Les origines : l’Abbaye d’Andlau et le fief
En 862, Richarde, fille du Comte d’Erchengart, épouse Charles, troisième fils de Louis le Germanique, qui deviendra Empereur en 881. En 880, celle qui deviendra Sainte Richarde, fonde à Andlau un couvent pour les dames de la noblesse alsacienne et apporte à cette Abbaye tous ses biens patrimoniaux. Parmi ces biens figurait le fief de Birkenwald où l’Abbaye fit construire un petit Château, demeure de son avoué. Les premières mentions du nom de Birkenwald sont faîtes dans une charte de 1158 et dans un diplôme de l’Empereur Frédéric 1er dit Barberousse qui intervînt personnellement pour autoriser le couvent de Sindelsberg à puiser de l’eau dans une petite rivière Clingelbach, affluent de la Sommereau qui traverse Birkenwald. Les renseignements historiques sur les plus anciens titulaires du fief de Birkenwald sont rares. Au 14ème siècle, ce sont les « Vögte » de Wasseheim, puis Frédéric de Than et ses descendants de 1432 à 1497, suivis de Georges puis Etienne d’Adelsheim, puis Guillaume de Knobloch, Arbogats et Jehan de Kageneck, Pierre Volsch en 1500 et, enfin Louis d’Ingenheim.
Les Ingenheim
Louis d’Ingenheim fut investi du fief en 1529 par l’abbesse Cunégonde. Son fils, Nicolas Jacques, lui succéda à la tête du fief et c’est lui qui bâtit, sur l’emplacement même du premier Wasserburg, le Château actuel en 1562. Nicolas Jacques était un homme entreprenant et cultivé, grand voyageur. Il est mentionné comme Préfet de Marmoutier et avait épousé Hélène de Landsberg. Les armoiries des deux familles sont sculptées au-dessus des deux portes d’entrée . A sa mort, en 1590, l’Abbaye d’Andlau retint le fief, jusqu’en 1606, date à laquelle Jean Gabriel Rebstock fut investi, mais ce dernier mourut sans descendance en avril 1619.
La Guerre de trente ans
Pendant toute la guerre de trente ans (1618-1648), le fief fut administré directement par l’Abbaye d’Andlau. Le village et l’église furent incendiés et les habitants décimés. En 1636, l’évêque de Strasbourg ouvrit, par peur des Suédois, les portes de la ville de Saverne à une garnison française. En 1638, Monsieur de La Pesselière, Maître de camp d’un régiment d’infanterie pour le service du Roi de France, devint Gouverneur de Saverne et du Haut-Barr. Avec lui apparut une famille qui allait modifier profondément l’histoire de Birkenwald.
La famille de Birkenwald
Gabriel du Terrier, seigneur de La Fontaine, était originaire de Normandie. Nommé Major sous Louis XIII, il commandait la garnison de Saverne et du Haut-Barr. Il épousa, le 12 juin 1640, Marie Ursule d’Andlau. Leur maison, construite en 1645, existe encore à Saverne. Après le Traité de Westphalie de 1648 qui annexa l’Alsace au Royaume de France, Gabriel du Terrier se fixa définitivement en Alsace et, grâce à sa belle-sœur, abbesse d’Andlau, il fut investi du fief de Birkenwald, qui comprenait le village et le Château, ainsi que le village de Pfulgriesheim. C’est à ce moment qu’il ajouta à son nom celui de Birkenwald (ou Burckwald). Seigneur et Commandant de garnison, il partageait son temps entre Birkenwald, Saverne et le Haut-Barr. Il attira dans on fief une partie de ses soldats, normands comme lui, heureux de finir leurs jours dans ce village paisible. Ils y fondèrent des familles qui existent encoure aujourd’hui à Birkenwald (Les Helbourg, les Rolling…). Les armoiries de Gabriel du Terrier sont devenues celles du village. Gabriel du Terrier et son épouse Marie Ursule eurent de nombreux enfants, parmi lesquels : Wolfgang Louis, chevalier de l’ordre militaire de Saint-Louis, Directeur de la Noblesse d’Empire en Basse-Alsace, conseiller d’épée à la cour royale de Colmar. Il commanda après son père la garnison de Saverne. Il épousa une Baronne Truchsess de Rheinfelden. Wolfgang Louis fit construire l’église actuelle, où il fut enterré en 1711. Sa fille Marie-Françoise Sabine Richarde, née le 12 septembre 1649, épousa Charles Dupré de Dortal, originaire de Vienne en Dauphiné. Elle reprit le fief. Leur fils Joseph épousa Cécile Truchsess de Rheinfelden dont il eut huit enfants, parmi lesquels Marie Anne Madeleine qui épousa en 1738 le Baron Joseph Haffner de Wasselnheim, Colonel. Leur fille unique, Louise Julienne, épousa en 1775 Henri Joseph Xavier, Baron de Latouche de Zotten, ancêtre des propriétaires actuels. Un autre enfant de Joseph Louis et de Cécile, Charles Ferdinand, né à Strasbourg en 1732, devait donner à Birkenwald un éclat particulier. Charles Ferdinand Dupré de Dortal de Birkenwald était un homme de forte personnalité. Erudit, philosophe, grand voyageur, il recevait à Birkenwald des écrivains et des savants français et allemands. Il perdit un œil sur le champ de bataille et devient peu à peu pratiquement aveugle. Il avait épousé à 46 ans, en l’église de Birkenwald, Marie Elisabeth de Musiel de Berg de Bissingen. Deux filles naquirent : Marie Sophie, morte en bas âge et Marie Françoise, dite Fanny. Charles Ferdinand mourut à Strasbourg en janvier 1783, et fut enterré dans le chœur de l’église paroissiale de Birkenwald. En 1783, Fanny fut investie du fief.
Fanny
Fanny avait trois ans à la mort de son père. Elle fut investie du fief par l’Abbaye d’Andlau mais, lorsque passa la tempête de la révolution, Madame de Birkenwald et sa fille durent quitter le village. On les retrouve en 1800 à la cour d’Autriche, où Fanny remarquablement belle, obtint un grand succès. Elle rencontra en 1802 le Marquis Giovanni Baptista Grimaldi, de Gênes, alors aide de camp de Bonaparte. Elle l’épousa en 1802 et revint avec lui à Birkenwald, pour constater que ses biens avaient été mis sous séquestre. Le jeune ménage partit alors pour Paris où Fanny espérait obtenir la mainlevée de ce séquestre. Hélas, quelques semaines plus tard, son mari était enlevé par une mystérieuse maladie. Elle avait été mariée six mois. Elle revint donc habiter Florence, où sa mère la retrouva. Son charme et sa beauté lui attirèrent de nombreux prétendants, parmi lesquels son beau-frère, le Marquis Luigi Grimaldi, qu’elle décida d’épouser. C’est alors qu’elle mourut très subitement, vraisemblablement empoisonnée par son médecin qu’elle avait repoussé. Elle allait avoir 24 ans. Deux tableaux peints en 1804 par François-Xavier Fabre, sur la demande de Luigi Grimaldi, représentent l’un un portrait posthume de Fanny sur le point de rejoindre son mari, le Marquis Giovanni Baptista Grimaldi, dans la tombe, l’autre un portrait de Don Luigi Grimaldi, sur la tombe de sa fiancée (ces tableaux retrouvés dans un château d’Allemagne de l’Est ont été vendu par Christie’s à Monaco en 1993 et des copies de ces œuvres effectuées par Troubletskoy sont aujourd’hui au Château de Birkenwald). Deux écussons rappellent le mariage de Fanny : l’un au-dessus de la porte d’entrée du Château, porte les armes des Birkenwald et celles des Grimaldi. L’autre se trouve dans la salle des gardes. Au début de la Révolution, l’Abbaye d’Andlau ayant renoncé à ses droits sur le fief de Birkenwald, les héritiers collatéraux Grimaldi et les héritiers du côté du père de Fanny, représentés par la famille de Latouche, provoquèrent la vente du fief par expropriation forcée. C’est un cousin de la mère de Fanny qui acheta le Château en 1819 et cette dernière revint donc chez elle, où elle mourut en 1822, âgée de 72 ans, adorée par les gens du village. Un monument au cimetière de Birkenwald rappelle son souvenir.
Propriétaires actuels
Le Château fut racheté en 1833 par Louis Arth, avocat, procureur du Roi et Maire de Saverne de 1791 à 1792. Sa fille Elisabeth épousa en 1840 le Baron Adolph de Latouche qui reprit le Château à la mort de son beau-père. C’est ainsi que la famille de Latouche, originaire du Nivernais, entrée en Alsace sous Louis XIV avec Jacques de Latouche, allié à la famille Dupré de Dortal, rentra en possession du Château que ses ancêtres n’avaient détenu autrefois qu’à titre de fief.